Une sourire et une larme
Je souhaiterais que ma vie continue d'être larme et sourire :
une larme qui purifie mon coeur et me fait saisir les secrets
et les énigmes de la vie, et un sourire qui me rapproche de
mes semblables et symbolise la gloire que je rends aux
divinités ; une larme que je partage avec tous ceux qui ont
le coeur meurtri, et un sourire qui est l'expression de ma
joie d'exister.
Je veux plutôt mourir de désir que de vivre d'ennui. Je veux
qu'il y ait dans mon for intérieur une soif d'amour et de
beauté ; car j'ai ouvert les yeux et j'ai vu que ceux qui
demandent à être comblés encore davantage sont les plus
malheureux et les plus matérialistes, puis j'ai prêté
l'oreille et j'ai entendu les soupirs de celui qui endure
la séparation et le désir plus doux que les sons des cordes
d'un luth pincées par un virtuose.
Avec la nuit qui tombe, la fleur replie ses pétales et se livre
au sommeil, en étreignant son désir. Aux lueurs du matin, ses
lèvres sont à peine écloses pour recueillir le baiser du soleil.
Ainsi la vie des fleurs est un ardent désir et une union charnelle,
une larme et un sourire.
Les eaux de la mer s'évaporent et s'élèvent très haut pour
s'amonceler en des nuages voguant par-delà les collines et
les vallées. A la rencontre des brises suaves, elles se laissent
choir en pleurs sur les champs pour se rassembler dans
les ruisseaux et rejoindre la mer, leur patrie. La vie des nuages
est séparation et retrouvailles, larme et sourire.
Il en va de même pour l'âme : elle se sépare de l'Esprit universel pour
cheminer dans le monde de la matière et passer, tel un nuage,
au-dessus des montagnes de tristesse et des plaines de joie,
puis elle rencontre les zéphyrs de la mort : dès lors elle
revient là où elle était, à la mer de l'amour et de la beauté, à Dieu.
Khalil Gibran
Thursday, September 13, 2012
larmes et sourires de Khalil Gibran
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